Carnet de route

Auronzo 2022
Le 05/10/2022 par Francesca Carlotta CHITTARO
C'était une idée que j'avais depuis longtemps: amener les amis du CAF dans les Dolomites, précisément à Auronzo di Cadore, là où j'ai passé quelques étés, et pas loin d'où j'ai grandi.
Chaque année j'y réfléchissais, j'en chouchoutais l'idée, je pensais à de possibles itinéraires, mais c'est compliqué de se lancer pour qui, comme moi, est atteint à la fois de paresse et de perfectionnisme!
Lors d'une sortie de ski de rando, en janvier dernier, Dominique a remis le projet sur la table : "Il faut que tu nous organises un séjour dans les Dolomites". J'ai pris mon courage à deux mains et je me suis engagée. Là, pas possible de reculer.
En fait, se décider a été la partie la plus dure. L'organisation logistique n'a pas été si difficile vu que je pouvais compter sur ma belle-famille qui passe ses vacances à Auronzo depuis au moins 50 ans.
Quand je suis arrivée au Camping Europa, le 16 juillet, j'étais la première car René et Charlotte, arrivés la veille, étaient allés grimper. J'ai monté ma tente et je me suis dit: "ça y est, que l'aventure commence"!
Quand on amène quelqu'un sur des lieux que l'on connaît bien, on a la possibilité d'y poser un regard nouveau, précisément celui de la personne que nous accompagnons.
Je l'avais étudié à l'école primaire: les Dolomites sont "des dents de rocher qui poussent du sol" mais c'est Cédric, avec ses exclamations enthousiastes face aux parois, qui me l'a fait (re)découvrir. Sincèrement, je ne m'étais pas aperçue (merci Laurent) que le paysage en Dolomites est si varié qu'on passe des pelouses émeraudines, persillées de cailloux, aux barres rocheuses en si peu de pas et, jusqu'à cet été, je n'étais pas capable de distinguer un sapin d'un épicéa, malgré avoir grandi dans cet environnement.
Le premier jour, mise en jambe: un court chemin avec quelques passages câblés, pour arriver au refuge Lagazuoi d'où on a pu apercevoir le glacier moribond de la Marmolada et imaginer, loin dans les nuages, les autres sommets mythiques (Civetta, Pelmo, Antelao). La descente s'est faite par les galeries creusées par les soldats de la Grande Guerre. Le front passait par ces endroits, pour la joie des amants de la spéléo. Personnellement, je n'aime pas les galeries. Pourtant, ça m'a permis de raconter un peu l'histoire de ces territoires, partagés entre l'Italie et l'Autriche, aux frontières nettes pour la langue, mais poreuses pour les traditions culinaires, les habitudes, le paysage.
De retour de Cortina, j'ai fait un petit détour pour aller acheter de la nourriture au market de Misurina ouvert le dimanche. C'est un détour très court mais ça vaut la peine, non seulement pour le strudel qu'on a pu goûter comme dessert du soir, mais surtout pour le coup d'œil qu'on jette sur les Trois Cimes (la face moins connue), l'Alpe Mattina et le lac. Là c'est encore Cédric qui trouve les bons mots: "On dirait le Far West".
Le deuxième jour, ça devient plus sérieux. Au planning, montée au refuge Auronzo en voiture, traversée jusqu'au refuge Locatelli-Innerkofler, ferrata de la Torre Toblin, ensuite montée au Monte Paterno par les galeries, et un morceau de via ferrata. Retour au refuge Auronzo, en complétant ainsi le tour des Trois Cimes qui, telles des actrices sur le red carpet du festival de Cannes, se sont laissé photographier et admirer de tout point de vue, pendant toute la journée.
Une partie du groupe a considéré avoir bien mérité sa bière et est descendue à Misurina. Les plus aguerris, du Monte Paterno, ont emprunté le chemin des Forcelle et rallongé le parcours.
Le troisième jour, on a préféré s'épargner un peu en vue du projet du lendemain. On est donc montés au refuge Fonda Savio, au milieu des Cadini di Misurina, paradis des grimpeurs, même si on n'en a pas vu beaucoup, descente par une partie du sentier Bonaccossa. Rentrés au camping, on a pu se rafraîchir dans les eaux du Torrente Ansiei.
Pour les deux jours suivants, le programme était ambitieux. Le groupe souhaitait passer une nuit en bivouac, ces petits abris en tôle rouge typiques des Alpes orientales. C'était l'occasion de s'écarter un peu des lieux plus connus et visiter les Marmaroles, sauvages, peu fréquentées, lumineuses. Nous avons opté pour la traversée du bivouac Musatti au bivouac Voltolina, trop longue pour être accomplie en une seule journée.
Le premier jour, nous n'avions qu'à monter au bivouac par un chemin très raide, dans le bois. On aurait dû trouver une source mais plus on montait plus les lits secs et caillouteux nous suggéraient qu'on n'aurait pas trouvé d'eau, et dans ce cas ça n'aurait pas été envisageable de poursuivre. Ceux qui au départ avaient été convaincus de vider les bouteilles en réserve qu'ils avaient amenées l'on regretté. Cédric proposait déjà de laisser nos affaires au bivouac, une fois arrivés, et redescendre pour nous approvisionner.
Heureusement, la source était bien là. On a rempli les bouteilles vides. Je me rappelle très bien les derniers 200 m, j'avais l'impression de ne pas avancer du tout.
Il faut le dire, Cédric est gentiment descendu à la source, avec une dizaine de bouteilles vides dans le sac, pour nous garantir un thé et de la soupe pour la soirée.
Le bivouac était spartiate, mais il y avait tout: casseroles, matelas, couvertures (rongées par les souris), coussins dont un dans lequel on a trouvé une petite souris morte.
On s'est couchés vers 21 heures. Nos regards pouvaient se poser sur le groupe des Cadini, tellement féériques qu'ils "semblaient en carton", a dit quelqu'un.
Le jour d'après, ce fut la grande traversée. Trois cols, vires étroites et exposées, passages de via ferrata, traversée d'un petit névé, éboulis, rochers parfois blancs parfois jaunes, sans rencontrer personne. Ça se voit que j'ai adoré?
Le soir, on a fêté l'aventure en commandant des pizzas à la pizzeria du camping.
Le dernier jour, on est retournés dans la région de Cortina. On a enchaîné la via ferrata alla Punta Anna, ensuite la ferrata qui monte à la Tofana di Mezzo, la plus élevée. Pour la descente, on s'est fait un peu aider par le télécabine. Une vraie via ferrata dolomitique, respectueuse du rocher et de l'itinéraire naturel.
Le samedi matin est enfin arrivé.
Un orage menaçait au-dessus des Trois Cimes et il a juste attendu que Laurent et Elsa finissent de ranger leurs affaires pour éclater. On n'avait pas eu une goutte de pluie pendant toute la semaine, contrairement au mythe selon lequel "en Dolomites, il pleut toujours". Un hasard? Ou un cadeau, un petit hommage de la région au CAF Coudon?
Quoi qu'il en soit, le ciel a tenu tant que l'on en a eu besoin.
Notre semaine est terminée. Les aventures au CAF Coudon, elles, continueront!